Né dans les quartiers populaires de Yaoundé, le mbolé a parcouru un long chemin, passant d’une simple musique de rue à un genre incontournable du paysage musical camerounais. Autrefois entonné lors des veillées funèbres pour réconforter les familles en deuil, il résonne aujourd’hui sur les grandes scènes et dans les médias, marquant l’ascension fulgurante d’un style autrefois marginalisé.
ELSA DANIELE MONTI
Des Racines Modestes
Apparu au début des années 2000, le mbolé était à l’origine une forme d’échange musical entre un chanteur improvisant des paroles et un groupe de “répondeurs” qui reprenaient ses phrases en rythme. Les instruments étaient rudimentaires : seaux, casseroles et autres objets du quotidien. À cette époque, il était perçu comme une musique de rue, déconsidérée par certains, à l’image du rap à ses débuts.
“Le mbolé était stigmatisé. Beaucoup le voyaient comme une musique de caniveau”, explique Étienne Koumato, un étudiant en biologie de 24 ans et membre du groupe Ligue des Premiers. “Mais il a su évoluer et conquérir les cœurs.”
Une Montée en Puissance
Peu à peu, le mbolé s’est invité dans les mariages, baptêmes et autres cérémonies, s’enrichissant de nouveaux instruments comme les claviers et le djembé, ce tambour emblématique de l’Afrique de l’Ouest. Puis, en 2016, le genre explose véritablement, devenant un phénomène national.
Aujourd’hui, impossible d’allumer une radio ou une télévision camerounaise sans entendre du mbolé. “Nous avions l’afrobeat venu du Nigéria, mais le mbolé est notre propre identité musicale”, affirme Yannick Mindja, réalisateur d’un documentaire sur son ascension. “Il mélange plusieurs sonorités locales comme le bend-skin, le makossa et le bikutsi.”
Le chanteur Petit Malo, l’un des pionniers du genre, résume cette évolution : “Le mbolé est le petit-fils du bikutsi et le neveu du makossa. Quand tu l’écoutes, tu te sens immédiatement camerounais.”
Un Genre Qui Fait Écho à la Réalité
Malgré sa popularité croissante, le mbolé reste profondément ancré dans les réalités sociales des quartiers populaires. Ses paroles abordent des thèmes comme la pauvreté, la drogue et l’insécurité, reflétant les défis quotidiens de nombreux jeunes.
En 2016, Petit Malo a marqué l’histoire du genre avec son hit “Dans mon kwatta” (“Dans mon quartier”), un titre qui décrit la vie à Nkoldongo, un quartier défavorisé de Yaoundé. “Petit Malo est un bon chanteur”, confie Herman Sone, un adolescent de 15 ans. “Il chante la paix et l’espoir.”
Une Ouverture Progressive aux Femmes
Longtemps dominé par les hommes, le mbolé commence aussi à accueillir des voix féminines. Jeanne Manga, alias Jay-Ni, fait partie de celles qui brisent les codes en formant un groupe 100 % féminin.
“Le mbolé est un excellent moyen de dénoncer le sexisme”, affirme-t-elle. “Dans mes chansons, je parle par exemple de ces hommes qui invitent les femmes à sortir et attendent ensuite des faveurs en retour. Grâce au mbolé, nous pouvons dire haut et fort que nous ne sommes pas des cibles.”
L’Âge d’Or du Mbolé ?
Passé des veillées funèbres aux festivals, des rues aux grandes scènes, le mbolé s’impose désormais comme un pilier de la musique camerounaise. De nombreux artistes du genre signent avec des maisons de disques, remplissent des salles de concert et collaborent avec d’autres musiciens africains.
Longtemps considéré comme une simple mode passagère, il prouve aujourd’hui qu’il est là pour durer. Son rythme, son énergie et ses textes engagés en font bien plus qu’un phénomène : le mbolé est devenu une voix pour toute une génération.
ELSA DANIELE MONTI
0 Comments