Dans le rap, l’ego est un moteur. Affirmer sa valeur, défendre son art et s’imposer dans le rap game passent souvent par des confrontations verbales aussi stylisées que brutales.
Elsa Daniele Monti
C’est là qu’intervient le beef, ou clash, une tradition aussi ancienne que le hip-hop lui-même. À l’origine, ces rivalités étaient des batailles d’esprit et de style, où chaque punchline servait à asseoir la suprématie artistique.
Une tradition héritée du rap américain
Les pionniers américains comme KRS-One, Nas ou Ice Cube ont marqué l’histoire avec des diss tracks cultes. Ces morceaux incisifs permettaient de régler des comptes, mais aussi de revendiquer une identité, une place ou un message. Ce modèle s’est naturellement exporté sur le continent africain, en s’adaptant aux codes et aux tensions locales.
Un diss track, c’est un morceau spécialement écrit pour attaquer un autre artiste. On y balance des piques, des insultes voilées ou directes, souvent sur un beat lourd. L’un des exemples les plus marquants à l’international reste le clash entre Drake et Kendrick Lamar, où les deux poids lourds du rap américain se sont affrontés à coups de morceaux assassins, révélant une compétition artistique poussée à son paroxysme.
Quand le public souffle sur les braises
Au Cameroun, le clash n’est pas une nouveauté. Même quand les artistes ne répondent pas directement, les rumeurs et les sous-entendus suffisent à enflammer le public. Le cas de Jovi et Stanley Enow en est l’illustration parfaite : bien qu’aucun vrai diss track n’ait été lâché, les tensions supposées entre les deux rappeurs ont alimenté des débats passionnés. Preuve que parfois, ce sont les fans eux-mêmes qui provoquent les beefs, en interprétant des paroles, des posts ou des silences.
On pourrait aussi mentionner les tensions autour de Tenor, figure clivante du rap camerounais. Connu pour son franc-parler et son style sans concession, il a souvent été au centre de frictions, notamment avec Mauvais BB ou Enjr. Même en l’absence de véritables diss tracks, les piques échangées sur les réseaux et dans certains morceaux ont suffi à entretenir l’idée d’un clash latent.
Le clash : art de la guerre ou jeu dangereux ?
Le clash entre Himra et Didi B en Côte d’Ivoire montre aussi à quel point les rivalités peuvent naître de la compétition. À travers des déclarations piquantes et des promesses de réplique, les deux artistes ont plongé leurs fans dans une véritable guerre de territoire artistique, démontrant que le rap reste un sport de confrontation.
Au final, le beef reste une arme à double tranchant. Bien utilisé, il stimule la créativité, fait monter la pression et pousse les artistes à donner le meilleur d’eux-mêmes. Mal encadré, il peut virer au règlement de comptes stérile. Mais une chose est sûre : dans le rap camerounais et africain, le clash fait partie du jeu. Et souvent, c’est ce feu verbal qui électrise la scène.
Elsa Daniele Monti
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