Ce mercredi 2 juillet 2025, après plus d’un mois de silence, la slameuse camerounaise Lydol a fait une nouvelle apparition sur ses réseaux sociaux. Dans une vidéo de deux minutes, elle déclame un texte poétique sur les blessures de la vie. Tête rasée, maquillée, regard sombre et voix grave, l’artiste tente de renouer avec le public par son art. Mais sa démarche a suscité tout sauf de la compassion.
L’accueil réservé à cette vidéo est glacial, voire violemment critique.
« Puis un jour, une page se ferme laissant derrière elle que des espoirs, des souvenirs, des regrets, de la colère, du doute. Sans qu’on s’y attende et qu’on ne soit préparé, elle se ferme emportant avec elle le scénario qu’on n’a pas pu anticiper et le monde, quant à lui, continue de tourner sans ceux qui partent, sans ceux qui s’éteignent. Puis un jour, une page se ferme et une autre s’ouvre », déclare-t-elle dans son slam.
Mais pour beaucoup de Camerounais, la page du pardon ne s’ouvrira pas sans justice. Et tant que les larmes restent sans réponses, les mots, aussi beaux soient-ils, sonneront comme un écho malvenu dans le silence encore brûlant du deuil.
À peine publiée, la séquence a enflammé les réseaux. De nombreux internautes y voient une tentative malvenue de se repositionner médiatiquement, alors que le traumatisme causé par l’assassinat du petit Mathis, le 10 mai dernier, reste encore vif. Ce drame, rappelons-le, implique directement le père de Lydol, Dagobert Nwafo, principal suspect dans cette affaire qui a secoué tout le pays.
Pour une partie du public camerounais, le retour de l’artiste est prématuré et mal calibré. « On ne revient pas avec de jolis mots quand un enfant a perdu la vie », lit-on dans un commentaire. Un autre dénonce : « Elle maquille sa douleur pendant que la mère de Mathis enterre son fils à jamais. »
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Certains estiment qu’un silence prolongé aurait été une posture plus digne, plus respectueuse.
D’autres, comme Coach Blonde, pointent la mise en scène esthétique de la vidéo, jugée déplacée dans un contexte aussi tragique : maquillage, lumières douces, slam stylisé… autant d’éléments perçus comme une tentative de détourner l’attention de l’essentiel : la gravité du drame familial dont elle reste l’un des visages indirectement liés.
Par ailleurs, l’actrice Aminatou Nihad a exprimé son malaise dans un message devenu viral : « On ne peut pas danser sur une plaie encore ouverte et espérer que le peuple applaudisse. Il y a des silences qui valent plus que mille discours, surtout quand la douleur est encore fraîche. »
Flavienne Tchatat, également actrice, s’est prononcée sur la sortie de l’artiste : « Vous laissez les photos de son père sur sa page et vous voulez que le public tourne la page ? Sachez que l’image de cet assassin restera une horreur pour des générations. »
Et comme si le climat n’était pas déjà assez lourd, la veille même, le Cameroun apprenait avec consternation le décès d’Émile Gaston Bissossolo, père de la petite fille de 5 ans violée et assassinée en août dernier, une autre affaire tragique restée sans coupables ni justice. L’homme s’est éteint sans avoir vu les responsables du meurtre de sa fille répondre de leurs actes. Cette nouvelle a ravivé l’indignation d’un peuple qui se sent trahi, ignoré et impuissant face à l’impunité.
Dans ce contexte douloureux et chargé d’émotions, la sortie de Lydol tombe au mauvais moment. Malgré les intentions artistiques, son slam n’a pas apaisé les esprits. Au contraire, il a été reçu comme une tentative de tourner la page trop vite, comme une blessure rouverte à coups de vers poétiques.
Elsa Daniele Monti