Vingt-quatre ans se sont écoulés depuis la disparition de Mongo Beti, une figure colossale de la littérature africaine.
Alexandre Biyidi Awala, alias Mongo Beti (ou Eza Boto), était un écrivain de renommée mondiale, connu pour son discours anticolonialiste si acerbe qu’il fut censuré en France. Pour lui, la mission de l’écrivain était claire : « La vocation de l’écrivain n’est pas de bénir le monde tel qu’il est, mais de mettre la société mal à l’aise, de lui fournir cette mauvaise conscience dont elle a besoin pour progresser. »
Le fils de son peuple
Né le 30 juin 1932 à Akométan, au Cameroun, Alexandre Biyidi Awala adopte le pseudonyme qui résonne avec ses racines : Mongo Beti. Mongo signifie « fils » et Beti est le nom de son groupe ethnique. Il se positionne ainsi, dès son nom de plume, comme le fils de son peuple.
Après son baccalauréat, il quitte le Cameroun en 1951 pour la France, où il entreprend des études supérieures de lettres, d’abord à Aix-en-Provence, puis à la Sorbonne à Paris. C’est là que sa carrière littéraire prend son envol.
L’œuvre d’un anticolonialiste
Dès ses débuts, Mongo Beti s’affirme comme une voix critique.
Année | Œuvre et thème principal |
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1953 | « Sans haine et sans amour » (nouvelle policière) : son tout premier texte publié, à seulement 21 ans. |
1954 | « Ville cruelle » (roman, sous le pseudonyme Eza Boto) : une dénonciation frontale du système colonial injuste et arbitraire. |
1956 | « Le Pauvre Christ de Bomba » : une description critique et satirique du monde missionnaire colonial. |
1957 | « Mission terminée » : une exploration incisive des travers de la société traditionnelle camerounaise. |
1972 | « Main basse sur le Cameroun, autopsie d’une décolonisation » (essai) : une charge virulente contre la néocolonisation et les régimes autoritaires africains. Le livre fut immédiatement censuré en France. |
1974 | « Perpétue et Remember Ruben » : un roman captivant abordant les thèmes de la colonisation, de l’identité et de la résistance. |
Mongo Beti continuera d’enrichir sa bibliographie avec des titres importants comme « Ruine presque cocasse d’un polichinelle », « Trop de soleil tue l’amour » (1999) et la série Guillaume Ismaël Dzewatama.
Militantisme et héritage
La vie de Mongo Beti fut un combat continu contre le colonialisme et le néocolonialisme. Il fut profondément influencé par Ruben Um Nyobè, le leader charismatique de l’UPC, qu’il allait écouter clandestinement au lycée Leclerc de Yaoundé.
Après trente-deux ans d’exil en France, il retourne au Cameroun en 1991. Constatant la rareté du livre, il crée la Librairie des Peuples noirs à Yaoundé, après avoir lancé la revue bimensuelle Peuples Noirs Peuples Africains pour dénoncer le néocolonialisme et offrir une tribune aux jeunes intellectuels.
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Il estimait que « le combat contre le colonialisme ou le néocolonialisme commence par le combat contre les forces qui, localement, servent de relais au néocolonialisme ».
Considéré par The Guardian comme l’un des principaux écrivains africains de la génération indépendantiste, Mongo Beti meurt le 7 octobre 2001 à Douala, des suites d’une insuffisance hépatique et rénale aiguë, après avoir été privé de soins adéquats.
Romancier, essayiste, enseignant, libraire et éditeur, l’œuvre de Mongo Beti reste immense et continue d’impacter le monde, faisant de lui l’un des écrivains camerounais les plus célèbres de la planète.
Manu NKAMA
Sources : Google
Arol Ketch