C’est un lundi qui restera comme l’un des plus dangereuses de l’histoire récente du football camerounais. En l’espace de quelques heures, le banc des Lions indomptables a changé de visage, la hiérarchie interne a été bouleversée, et la liste finale pour la CAN Maroc 2025 suscite plus d’interrogations que de certitudes. Un séisme sportif, suivi d’une onde de choc.
Car à peine nommé par le nouvel exécutif de la Fecafoot, David Pagou, fraîchement nommé sélectionneur, a dévoilé une liste de 28 joueurs qui aura valeur de pari ou de prise de risque maximale.

Une liste qui fait l’effet d’un électrochoc
Le premier constat est brutal : plusieurs cadres importants, artisans de la qualification et piliers structurels des Lions, n’y figurent pas. Des absences qui redéfinissent l’ossature même de l’équipe.
Vincent Aboubakar, ex-capitaine, homme de flair, de percussion et de réalisme, auteur de statistiques remarquables depuis son arrivée à Neftçi FK.

André Onana, dernier rempart moderne, impeccable au pied et souverain dans les airs, aujourd’hui l’une des clés de la solidité de Trabzonspor.
Jackson Tchatchoua, latéral explosif, précis et infatigable, dont l’activité était devenue un point fort des transitions camerounaises. Martin Hongla, milieu robuste, stratège silencieux, profil idéal pour combler le vide laissé par Franck Zambo Anguissa. Michael Ngadeu, l’expérience froide. Moumi Ngamaleu, l’intelligence des couloirs. Une révolution silencieuse, mais aux conséquences lourdes.

Les risques d’une reconstruction express
Dans le football international, les tournois courts sont les plus cruels : aucune marge d’erreur, zéro temps d’adaptation. En se séparant de ses cadres à la veille d’une CAN, le Cameroun s’expose à un véritable parcours miné.
Instabilité tactique
Changer la structure si tard, c’est compromettre les automatismes :distances mal maîtrisées entre les lignes, transitions approximatives, pressing désynchronisé, défense placée encore en apprentissage. À la CAN, où l’intensité explose dès la phase de groupes, le moindre retard d’alignement se paie cash.
Fragilité mentale
Sans habitués des grands rendez-vous, le groupe peut manquer : de stabilité émotionnelle dans les moments chauds, de leaders vocaux pour recadrer, de repères lorsque le match bascule dans l’adversité. Or, la CAN est une compétition où l’expérience parle souvent plus fort que le talent brut.
Pression extérieure
Une refonte aussi radicale entraîne : un débat médiatique sans fin, un scepticisme croissant du public, une tension permanente autour du sélectionneur. Le climat peut très vite devenir toxique, étouffant, plombant la dynamique interne.
Des arrivées prometteuses, mais…
Dans ce chamboulement, quelques noms offrent néanmoins un souffle nouveau :
Éric Junior Dina Ebimbe (Brest) : volume de jeu de qualité, multi-usage, capable de densifier n’importe quelle zone médiane.
Christian Kofané (Leverkusen) : profil moderne, projection rapide, sens tactique européen.
Christopher Wooh (Spartak Moscou) : retour d’un défenseur explosif, puissant, capable de stabiliser une ligne encore expérimentale.
Mais pour qu’un renouvellement aussi massif fonctionne, il faut un ciment collectif immédiat, une cohésion quasi instinctive. Une équation extrêmement rare.
Une CAN qui s’annonce comme un véritable examen de vérité
Le Cameroun s’engage donc dans la CAN Maroc 2025 avec une ambition intacte, mais une trajectoire incertaine.
Le pari Pagou est audacieux. Très audacieux. Peut-être trop à ce stade de la compétition.
Car dans un tournoi où l’expérience fait gagner les matchs serrés, où les détails écrasent les rêves, et où la moindre faille mentale est exploitée sans pitié, s’affranchir de ses cadres revient à marcher sur un fil au-dessus du vide.
Reste à savoir si cette jeune garde aura la maturité, la lucidité et la densité mentale pour transformer ce moment de rupture en nouvelle naissance.
WILFRIED NGOMSEU







