Tourné à Berlin, en juin 2024, le réalisateur a dévoilé le teaser du film sur son compte Facebook, un film qui « interroge l’illusion de la richesse et la fragilité des hiérarchies et fait une intrusion symbolique de l’Afrique dans le monde des puissants en interrogeant le rapport du monde à l’argent ».
Formé dans les années 1980 à l’Institut national de l’audiovisuel (INA) de Paris et à la sémiotique de Christian Metz, l’auteur-réalisateur et producteur camerounais, né à Yaoundé en 1966, est révélé à 25 ans au festival de Cannes avec le très original « Quartier Mozart », sorti en 1992 et considéré comme un classique camerounais.
Dans la production, il montre avec humour la complexité des rapports humains dans la ville de Yaoundé. Le film obtient de nombreux prix à Locarno, Montréal, Ouagadougou et une nomination aux British Awards aux côtés de Reservoir Dogs de Tarantino.
Pour les 100 ans du cinéma, le British Film Institute le sollicite au même titre que Martin Scorsese, Stephen Frears, ou Jean-Luc Godard ; il réalise alors « Le Complot d’Aristote » en 1995, premier film africain sélectionné, un film dans lequel il parodie les films d’action et le ‘cinéma africain’.
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Fort de cette expérience, Jean-Pierre Bekolo continue avec le documentaire « La Grammaire de grand-mère » sorti en 1996 et consacré au visionnaire cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambety.
Il enchaine ensuite les festivals de renom et souhaite avec le cinéma renouveler les regards sur l’Afrique contemporaine. Ses films sociopolitiques relatent un passé méconnu, notamment l’histoire coloniale germanique.
En 2005, le cinéaste réalise Les Saignantes (2005), film présenté au festival de Toronto, premier film de science-fiction africain qui a été sélectionné en 2017 par le Museum of Modern Art (MOMA) à New York parmi les 70 classiques de science-fiction. Il obtient l’Étalon d’argent et la meilleure actrice au FESPACO en 2009. Le film passe en revue corruption, féminisme, et déclin social, film d’anticipation entre action, horreur et humour.
En 2015, Jean-Pierre Bekolo est lauréat du prix Prince Claus (Pays-Bas) « pour sa créativité, sa résistance, son irrévérence et son travail de refonte des idées dominantes concernant le cinéma africain ; pour la création d’une œuvre innovante qui à la fois divertit et transmet un message sociopolitique fort ; pour la grande originalité de son style ; pour sa façon de mettre en cause les représentations erronées des cultures africaines ; et pour sa façon de réaffirmer le pouvoir du cinéma ».
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Le cinéaste continue sa réflexion et ses travaux en réalisant en 2016 Naked reality, film expérimental afrofuturiste ; puis en 2017 le documentaire Afrique, la pensée en mouvement part 1 et 2, sur les Ateliers de la pensée de Dakar. Entre 2019 et 2025, il sort d’autres projets, notamment « Miraculous Weapons », et en 2025, il revient avec « Le goût du vin de palme », un film poignant qui a choisi d’aborder l’histoire de la figure de la patronne du groupe L’Oréal qui a inspiré une série sur Netflix et un film avec Isabelle Huppert.
Cette fois, Jean-Pierre Bekolo tourne le film de l’autre côté du miroir : « avec les invisibles – chauffeurs, domestiques, petites mains –, très souvent des Africains dont on ne retient jamais le visage ni la voix ». Pour lui, il s’agissait « d’interroger l’illusion de la richesse et la fragilité des hiérarchies et de faire une intrusion symbolique de l’Afrique dans le monde des puissants en interrogeant notre rapport à l’argent ».
Le film est à retrouver du 20 au 27 septembre prochain au Festival Écrans Noirs en avant-première mondiale.
Manu NKAMA