Dans l’univers de l’art, certains choisissent de révéler, dénoncer et transformer le monde à travers la musique, l’écriture ou la peinture. D’autres s’expriment par la danse non pas celle qui suit simplement un rythme ou une mélodie, mais celle où le corps devient langage et outil de communication : c’est la danse de création. Titre provisoire, Féminisme, la voix de l’ange : telles sont les trois œuvres ayant marqué la clôture du Festival de danse 237, vendredi dernier.
Il est 19h10 lorsque s’ouvre Titre provisoire, première performance de la soirée. Avec quelques minutes de décalage, cette création signée Audrey Fotso explore les voix intérieures de trois femmes, en trois tableaux aussi puissants que sensibles. Le spectacle débute par une série de solos dansés : chaque interprète entre tour à tour en scène, portée par une musique et un éclairage symboliques. Chacune raconte son histoire à travers le mouvement, livrant ses émotions, ses blessures, ses silences. S’ensuit un passage théâtral, qui met en lumière les rivalités, les incompréhensions et les complexes que les femmes peuvent entretenir entre elles. Enfin, la pièce s’achève sur une danse collective, symbole de solidarité, de guérison et d’unité retrouvée. Trois femmes, trois récits, mais une même volonté : celle de se dire et de se rejoindre.
DANSER POUR CELLES QUI PORTENT LE MONDE
Toujours dans une atmosphère féminine, place à la seconde prestation de la soirée. Cette fois, à travers le regard et le corps d’un homme : Landry Obama. Seul sur scène, il rend hommage à la femme, et plus particulièrement à sa mère, qu’il célèbre comme une héroïne, un refuge, une protectrice.
Par sa danse expressive et profondément émotive, il fait résonner une histoire personnelle tout en touchant à l’universel.
Lire aussi : MOFEAC 2ᵉ édition : corps, art et pouvoir d’agir
À ses mouvements, il associe un objet symbolique : un panier. Celui-ci devient le prolongement du message, représentant la femme nourricière, pilier silencieux de la société, capable d’amour inconditionnel et de résilience. À travers ce geste chorégraphique, l’artiste affirme que la femme porte en elle une valeur essentielle, indépendante et universelle.
Son hommage est double : il danse pour sa mère, qu’il dit avoir élevée autant qu’elle l’a éduqué, et il danse pour toutes les femmes, qu’il considère comme les piliers souvent invisibles de la société, reconnaissant envers celles qui ont jalonné son parcours et façonné son ascension. Elles sont, selon lui, les véritables mères de l’humanité.
UN DUO AVEC L’ABSENT, POUR NE JAMAIS L’OUBLIER
Le rideau se ferme avec une œuvre de Jules Romain, intitulée La voix de l’ange. Ce solo bouleversant, conçu comme un duo avec l’absent, prouve que la danse peut être prière, cri, chant, acte d’amour et lien entre les âmes.
Jules Romain rend ici un hommage vibrant à son ami disparu, Al Faruq, slameur lauréat du prix Afrique en 2018 à N’Djamena. Pendant près de 25 minutes, il danse au rythme de la voix du slameur Al Faruq, dont le récit guide chacun de ses gestes. Cette chorégraphie devient un dialogue sensible entre le corps présent et la voix absente.
À travers cette œuvre, l’artiste célèbre la mémoire d’un ami passionné d’art et de voyage, tout en préservant, à chaque représentation, le lien d’amitié et d’amour qui les unissait.
Entre récits intimes, luttes partagées et hommages symboliques, cette soirée de clôture du Festival de danse 237 aura montré que le corps, dans sa sincérité brute, peut porter les voix les plus intenses du monde.
Elsa Daniele Monti