Baptisé Africa Music & Charts (AMC), ce système “vise à créer une industrie musicale plus lisible, plus équitable et plus ambitieuse”.
AMC a attribué 95 certifications musicales à 35 artistes issus de divers pays d’Afrique francophone, dont 76 singles et 19 albums.
Africa Music & Charts (AMC) vient de dévoiler une première salve historique.
Longtemps privée d’outils de mesure fiables, l’Afrique francophone tient désormais son propre système de certification musicale, à l’instar des standards internationaux, une initiative inédite, basée sur des données de consommation certifiées, issues des rapports financiers des distributeurs digitaux.
Parmi les figures majeures distinguées, Fally Ipupa domine le palmarès avec un impressionnant total de 39 certifications (dont 4 albums et 35 singles), confirmant son statut d’icône continentale. Autre figure emblématique, DJ Arafat, décédé en 2019, se voit honoré à titre posthume avec six certifications, rappelant l’impact toujours vivace de son œuvre dans l’univers du coupé-décalé.
Du côté du Sénégal, la scène locale s’illustre à travers les titres « Yow La » de VJ et Amadeus, et « Confuse » de Wally Seck, Mia Guissé et Amadeus, tous deux certifiés Or. Wally Seck obtient également l’unique certification d’album sénégalais avec « État d’esprit ».
La Côte d’Ivoire, quant à elle, ajoute en plus du Daichi, Didi B, Himra, TamSir, dont le single explosif « Coup du Marteau » décroche une rare certification Triple Diamant, incarnent cette nouvelle dynamique qui bouscule les codes et fait vibrer les plateformes.
Le Togo n’est pas en reste : le groupe Toofan reçoit cinq certifications (2 albums et 3 singles), renforçant leur position sur la scène régionale.
Les femmes, encore trop peu nombreuses (16 % des titres certifiés), sont bien présentes. Certaines tirent brillamment leur épingle du jeu. Emma’a du Gabon impressionne avec un double Platine pour « Encré » et un EP certifié Or : Emma’a Part II. Roseline Layo, Krys M, Viviane Chidid et Dena Mwana comptent également parmi les lauréates, preuve que la relève féminine est bien là, talentueuse et ambitieuse. On notera notamment les titres « Môgô Fariman », « Chacun sa chance » et « Yeuk Yeuk », tous certifiés Or.
Pour le cas du Cameroun, Krys M décroche un double platine pour « À chacun sa chance ».
Les titres nés de collaborations artistiques figurent parmi les plus performants : « Yope Remix » (Innoss’B feat. Diamond Platnumz) et « 500 » (Gaz Mawete & Chily) atteignent le Platine. La chanson légendaire « Yamore » réunissant Salif Keita et Cesária Évora est, elle, certifiée double Platine, illustrant la capacité des classiques à trouver un second souffle auprès des nouvelles générations.
Les grands rendez-vous sportifs ne sont pas en reste. L’hymne de la CAN 2024, « Akwaba » (Magic System, Yemi Alade et Mohamed Ramadan), décroche l’Or, démontrant une fois encore le pouvoir catalyseur de la musique dans les événements de grande ampleur.
Cette avancée donne à voir l’incroyable diversité des scènes musicales du continent et consacre l’engagement de toute une génération d’artistes à la conquête des publics locaux et internationaux. Elle marque une étape décisive vers une reconnaissance plus structurée et transparente des performances musicales sur le continent. Un baromètre inédit pour l’Afrique musicale.
Pour mettre ce système en place, il a fallu collecter massivement les données d’écoute des morceaux à succès auprès des labels et mettre conjointement en place, pour s’adapter aux usages numériques, une unité de mesure par « équivalent ventes » ou par « équivalent streams », qui prend en compte à la fois les ventes physiques et numériques, ainsi que les streams audios et vidéos, gratuits et payants.
Pour les albums, un artiste doit ainsi atteindre 5 000 équivalents-ventes pour obtenir une certification Or, le double pour la Platine et le décuple pour le Diamant. En outre, pour les singles, les seuils sont fixés à 5 millions d’équivalents-streams pour l’Or, 10 millions pour la Platine et 30 millions pour le Diamant. 1 téléchargement vaut 150 streams.
En revanche, l’AMC n’a pas la possibilité de vérifier l’authenticité des streamings dans les données collectées, et donc de mettre fin aux polémiques sur les vues supposément achetées par certains artistes, avec des chiffres étrangement hauts dans des pays qui ne constituent pourtant pas leur bassin d’audience.
Plus qu’un tableau d’honneur, ces 95 certifications sont les premières pierres d’un édifice plus large. À travers ce dispositif, AMC ambitionne de devenir la référence panafricaine en matière de certification musicale. Son action s’inscrit dans un travail de fond pour centraliser les données, normaliser les critères de reconnaissance et amplifier la visibilité des artistes, en collaboration avec les professionnels du secteur, les plateformes de streaming et les institutions culturelles.
Manu NKAMA