Il entre dans les stades comme on entre en scène. Le torse peint, le regard habité, le pas dansant et le cœur battant au rythme d’un pays. Ngando Pickett n’est pas un simple supporter : il est un symbole. Une légende vivante. Depuis plus d’un demi-siècle, Henry Mouyebe, de son vrai nom, accompagne les Lions indomptables à travers les continents, les générations et les émotions, comme un serment jamais rompu.
Né à Yaoundé, grandi chez sa tante au sein d’une famille Sawa dont il portera le nom d’adoption, le jeune Henry se forge très tôt une identité plurielle : camerounaise avant tout, mais ouverte aux cultures, aux rythmes et aux peuples. C’est au Burkina Faso que son histoire prend un premier virage décisif. Avec son groupe de danse, il transforme la ferveur populaire en art, le soutien en spectacle, la passion en mission. Désormais, soutenir le Cameroun ne se crie plus seulement : ça se danse.

Très vite, Ngando Pickett devient reconnaissable entre mille. Son corps peint devient un drapeau vivant, ses chorégraphies une étincelle qui embrase tribunes, joueurs et staffs. Il se baptise lui-même « le douzième joueur », et le public l’adopte. À ses propres frais parfois, il traverse les frontières pour être là où le Cameroun joue. En 2000 déjà, lors de la CAN co-organisée par le Ghana et le Nigeria, il est de ceux qui font le voyage sans invitation officielle, mais avec une foi inébranlable.
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Surnommé Pickett en hommage à Wilson Pickett, tant son talent de danseur impressionne, il devient une mascotte non officielle mais indispensable. Pourtant, même les légendes connaissent des absences douloureuses. En 2010, pour la Coupe du monde en Afrique du Sud, Ngando n’est pas retenu dans la délégation officielle. Une blessure silencieuse pour celui qui avait fait de chaque grande compétition un rendez-vous sacré.
Rien n’arrête pourtant sa marche. En novembre 2022, à Doha, il est de la délégation des supporters au Mondial du Qatar. Au total, son palmarès est unique dans l’histoire du supporterisme africain : 3 Coupes du monde, 16 Coupes d’Afrique des nations, mais aussi 2 CAN de volley-ball, une Coupe d’Afrique de basket, une d’haltérophilie et une de judo. Peu d’athlètes peuvent en dire autant. Aucun supporter.
Janvier 2024 marque un autre acte de bravoure. À 75 ans, Ngando Pickett prend la route pour rallier la Côte d’Ivoire et vivre la CAN 2023. Le voyage est éprouvant, l’objectif clair : être là. Les Lions sortiront en huitièmes de finale, mais l’essentiel est ailleurs. Il a tenu parole. Il a accompagné le Cameroun, encore.
Aujourd’hui, à 76 ans, à la veille de la CAN Maroc 2025, la légende n’a pas encore posé le pied au Royaume chérifien. Mais Ngando Pickett n’a jamais mesuré sa passion en kilomètres. Il y croit toujours. Comme au premier jour. Comme si chaque compétition était la première. Et peut-être la dernière.
Ngando Pickett n’a jamais marqué de but. Il n’a jamais soulevé de trophée. Mais il a porté le Cameroun sur son corps, dans sa voix et dans ses pas de danse. Il a prouvé qu’aimer une nation pouvait devenir une œuvre de toute une vie.
Et tant qu’il y aura un stade, un tambour et un Lion indomptable à encourager, son ombre dansera encore dans les tribunes.
WILFRIED NGOMSEU







