Treize ans ont passé, mais son empreinte demeure intacte. Le 15 novembre 2012 s’éteignait Théophile Abega Mbida, figure tutélaire des Lions Indomptables, maestro du milieu de terrain et incarnation d’une époque où le football camerounais façonnait son mythe. Né le 9 juillet 1954 à Nkomo, celui que tout un continent surnommait avec respect « le Docteur » avait l’art rare de transformer un match en partition, et un ballon en instrument.
Au Canon de Yaoundé, où il dépose ses valises en 1977, Abega impose immédiatement son élégance. Son entrée en jeu lors de la finale de la Coupe du Cameroun cette même année est restée dans les mémoires : une apparition, un éclair, un but en prolongations, et le destin d’un club qui basculait vers une domination sans partage. Capitaine charismatique des Mekok Mengonda, il empile titres et soirées européennes mémorables : quatre championnats, trois Coupes du Cameroun, deux Ligues des Champions africaines, une Coupe d’Afrique des Vainqueurs de Coupes. À chaque fois, Abega se distingue par ce style reconnaissable entre mille : lecture du jeu à la milliseconde près, orientation du corps irréprochable, relance chirurgicale, tempo maîtrisé comme un métronome.

En équipe nationale, son ascension épouse celle d’un Cameroun en pleine affirmation. Mondial 1982 : un tournoi mythique, trois matchs nuls, zéro défaite et un sentiment d’inachevé qui nourrit la légende. CAN 1984 : Abega porte le brassard, conduit les Lions au sommet et illumine la compétition d’une maîtrise totale de l’entrejeu. Il est élu meilleur joueur du tournoi, puis décroche un Ballon d’Or africain amplement mérité. Le Cameroun découvre alors un patron, un vrai. Un homme capable de dicter le tempo, de renverser un bloc défensif par une passe verticale millimétrée ou de calmer un match par une simple orientation de la cheville.
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Son passage en Europe, au Toulouse FC puis au Vevey-Sports, est freiné par les blessures et les contraintes climatiques, mais le joueur, même diminué, conserve ses fulgurances : 22 matchs, 3 buts en France, puis deux saisons pleines en Suisse. En 1989, l’homme tire sa révérence sportive, avant d’enfiler un autre costume : celui de bâtisseur. Président du Canon, puis élu public à Yaoundé IV, où il sera maire jusqu’à son décès, Abega prouve que le leadership ne se limite pas aux terrains.

Le 15 novembre 2012, un malaise cardiaque met fin à son parcours terrestre. Mais rien n’efface son héritage. Car Théophile Abega n’était pas simplement un milieu de terrain : il était l’architecte, le chef d’orchestre, le virtuose d’un football camerounais en pleine montée en puissance.
Un joueur dont la prestance, la vision et l’intelligence inspirent encore aujourd’hui les jeunes milieux en quête de ce mélange subtil entre technique pure et autorité naturelle.
Treize ans après, son nom continue de résonner dans les travées des stades, dans les conversations d’anciens et dans les rêves des futures générations. Théophile Abega, lui, n’a jamais quitté le rectangle vert : il y demeure, immobile, intemporel comme tous les géants.
WILFRIED NGOMSEU







